sábado, 31 de diciembre de 2011

De la charia à l'islamophobie, de l'homosexualité au statut de la femme

LEMONDE.FR | 22.04.11 |

Pour "Le Monde", l'essayiste Abdelwahab Meddeb et le théologie Tariq Ramadan débattent sur la religion dans les révolutions arabes.

Peut-on qualifier de post-islamiques les mouvements émancipatoires que connaissent le Maghreb et le Machrek depuis janvier dernier ? Estimez-vous que la question religieuse n'y a pas été centrale et, si c'est le cas, comment l'expliqueriez-vous ?
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Tariq Ramadan : Dans l'ensemble, ces processus ont modifié nos perceptions et nous ont amenés à sortir de la vision simpliste opposant dictature à islamisme radical telle qu'elle était présentée par les dictatures elles-mêmes et vite acceptée par leurs alliés occidentaux. Face à une population mêlant toutes les tendances socio-politiques et qui, sans leadership spécifique, mettait en avant des valeurs de liberté contre la dictature, la corruption et le clientélisme, nos analyses sont parfois passées de la crainte de l'islamisme au déni d'islam. Or ces révolutions sont quand même liées à un référent islamique : elles ne sont pas menées au nom de l'islam mais, pour autant, les valeurs auxquelles elles appellent ne sont pas opposées à l'islam. Le référent islamique n'est pas un obstacle à l'affirmation de valeurs que nous partageons. Il s'agit de valeurs universelles partagées plutôt que de valeurs occidentales qui seraient étrangères à l'islam. Ce n'est pas parce que ces mouvements ne sont pas islamistes qu'ils ne sont pas islamiques. Le référent religieux n'a donc pas complètement disparu du discours ni des rythmes de la mobilisation autour des vendredis.
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Abdelwahab Meddeb : Non pas post-islamiques, mais au-delà de l'islam : c'est ainsi que je qualifierai ce qui s'est passé en Tunisie et en Egypte. La question du référent religieux ne s'est pas posée. Ces événements n'ont rien à voir avec l'identité religieuse ou culturelle. Les gens se sont révoltés contre une situation où l'habeas corpus n'était pas respecté. Le minimum de l'intégrité de l'individu n'était pas assuré. Ce soulèvement s'est fait au-delà des identités. Ce n'est pas parce qu'on est musulman qu'on proteste mais en tant qu'opprimé. La protestation s'est exprimée au nom de l'humanité bafouée. Dès qu'on évoque l'espace du sud, on a le prurit du référent qui engendre la différence. C'est d'ailleurs un réflexe occidental que de voir quelque chose d'islamique dans tout événement qui provient des territoires dont la religion dominante est l'islam. Seule a été invoquée la liberté comme principe qui appartient à l'homme, au droit naturel. Certes la culture et la religion de ces pays n'ont pas entravé cet appel à la liberté. Aussi ces mouvements n'étaient ni islamistes, ni islamiques. Ceux qui se sont soulevés ont réclamé leur autonomie d'individu et le droit qu'ils ont sur leur pays, cela même qui leur était refusé par les prédateurs qui les dirigeaient. Ceux qui ont eu l'audace de manifester en affrontant la mort défendaient et réclamaient une même chose : être un homme libre. Ces Arabes auraient pu être des Chinois ou des Birmans. Leur seul référent était le droit à la liberté, à la dignité, à la justice que tout humain revendique. Cela excède la dichotomie Islam/Occident.
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Tariq Ramadan : Je mettrais un bémol. Assez tôt, et même en Tunisie, ces mouvements de masse n'ont jamais nié leur référent religieux et culturel. Même si les manifestants ne voulaient pas voir cette révolution récupérée par l'islam politique, tous considéraient que la quête de liberté se faisait à partir de leur histoire, leur culture et leur religion. Les débats internes auxquels on assiste aujourd'hui en sont la preuve même s'il faut reconnaitre qu'il y a un vrai déficit patent d'échange au coeur des sociétés civiles et entre les différents courants politiques et idéologiques (c'est en fait la faiblesse de ces mouvements). Ce qui est remarquable, c'est l'absence de slogans anti-occidentaux ou anti-israéliens dans les manifestations. Il s'agit là de mouvements pour des valeurs, qui se sont mobilisés ni contre ni pour l'Occident mais pour leur liberté à partir de leur histoire et leurs références.
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Abdelwahab Meddeb : Il n'y a pas mille manières d'être démocrate. Je ne vois pas pourquoi il faut se distinguer des inventions occidentales. Celles-ci appartiennent à l'humain. Tout candidat, quelle que soit sa langue, sa culture, sa croyance peut les adapter à ce qu'il est. Dans les pays musulmans, depuis les réformistes du XIXe siècle, on reste timoré, on n'a pas cessé de buter sur la volonté d'assimiler les inventions politiques modernes aux procédures qui étaient déjà présentes dans la tradition islamique : c'est ainsi qu'on a assimilé le parlementarisme à la choura coranique qui, dans le meilleur des cas, ressemblerait au conseil consultatif du prince. Ces rapprochements intempestifs et anachroniques n'éclairent pas les concepts mais les obscurcissent. Ces orientations ont été évitées en Tunisie et même en Egypte. Le mouvement parti du peuple a été amplifié par les classes moyennes pour être ensuite relayé par des intellectuels informés des concepts engagés : la liberté, l'égalité, la justice ont été approchées d'un point de vue philosophique, juridique, historique. C'est dans des pays comme le Yémen ou la Libye que ce contenu conceptuel a manqué. L'instinct de liberté se nourrit alors de rudiments cueillis dans une tradition islamique qui ne s'assimile pas à l'islam politique. Le référent provenait plus de la coutume que de la culture lettrée. C'est là qu'on mesure l'immensité de la tâche : quel travail didactique pour apporter du contenu et du sens qui soit en cohérence avec les revendications ! Ces États n'ont pas assumé la vocation de l'État moderne comme instituteur du peuple.

L'émancipation ne se pense donc plus en termes d'arrachement aux cultures d'origine, mais peut s'inscrire dans un ancrage islamique ? N'y a-t-il donc aucun hiatus entre la culture démocratique et la culture islamique?

Tariq Ramadan : L'appel aux valeurs démocratiques ne se fait pas forcément en opposition avec le terreau culturel ou religieux. Il faut bien comprendre que rien ne se passera en Afrique du Nord ou au Moyen Orient sans débat social, politique, voire économique, qui questionne la place de la religion et son rôle dans les institutions et la sphère publique. Les jeunes générations, même parmi les islamistes, se réfèrent bien moins à l'Iran qu'à la Turquie : ils y voient un pays qui, à partir de son référent islamique, a su intégrer à son modèle politique des valeurs dans lesquelles elles se reconnaissent et qui sont les nôtres. Au Maroc, en Egypte, en Tunisie, au Yémen ou en Jordanie une partie des islamistes est désormais favorable à un État civil. Même la pensée politique des islamistes a évolué au cours des trente dernières années. En admettant que ces valeurs sont issues du terreau même de ces sociétés, nous serons plus respectueux des débats internes qui peuvent mener à des modèles démocratiques endogènes et solides, car perçus comme légitimes.
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Abdelwahab Meddeb : A mon sens, ces événements ont précipité l'évolution de toutes les tendances. On est sorti de la fatalité qui oppose la dictature à l'islamisme. Celui-ci, sur le modèle turc, pourrait évoluer vers la "démocratie islamique" à l'instar de la "démocratie chrétienne" dans l'espace allemand ou italien. Le temps nous dira si Qaradaoui est opportuniste ou sincère lorsqu'il se détourne de l'Etat islamique pour recommander un État civil avec un référent islamique, en précisant aussitôt qu'il ne pense pas là à la religion mais à la civilisation. Cette distinction essentielle est au centre de mon oeuvre. Mais elle n'est vraiment opératoire que lorsque l'on sort de l'enclos de son origine. C'est dans un horizon cosmopolitique néo-kantien que cette distinction se féconde. Nous avons à écrire une table commune. Il s'agit alors de discuter à partir de la pluralité de nos civilisations : aux côtés de la Chine, de l'Inde, de l'Occident, l'Islam peut apporter une contribution précieuse. Par exemple, à la fin du Xe siècle, le soufi Tirmidhi nous a légué Le livre de l'impossibilité de la synonymie, qui invente une éthique de la nuance. Aujourd'hui, il serait utile de rappeler les nuances et les états psychologiques qui distinguent "controverse" et "confrontation", "se faire justice" et "se venger"... La Constitution à venir ne relève pas seulement du droit mais aussi de l'éthique. Elle est éclairée par l'expérience des nations.
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Quels devraient être les principes constitutionnels de ces États issus des révolutions arabes ? Quelles sont les valeurs fondamentales qui doivent primer après la destitution des dictateurs ?

Tariq Ramadan :
Dans Le face à face des civilisations, en 1994, j'abordais déjà cette qualification problématique d'État islamique. Aujourd'hui, dans les sociétés majoritairement musulmanes, les révolutions n'appellent pas à un État islamique. Le débat porte sur la distinction entre des principes clairs et des modèles souples. Les modèles historiques qui vont émerger en Tunisie, en Égypte, au Yémen ou en Libye (et j'espère partout ailleurs dans le monde arabe) ne se décident pas de l'extérieur ; ils sont le produit de ces sociétés, avec leur histoire, leur culture et leur psychologie collectives. Je poserais cinq principes inaliénables à toute nouvelle Constitution : l'État de droit ; la citoyenneté égalitaire ; le suffrage universel ; l'obligation de rendre compte de son mandat ; la séparation des pouvoirs. Quel que soit le modèle historique dans lequel ils s'inscrivent, ces principes ont une valeur universelle. Si le fait religieux peut être invoqué dans des transformations politiques, c'est pour poser la question éthique des finalités. Les composantes de la société doivent s'interpeler sur leur éthique respective : c'est ce qui fait le substrat d'une nation. Une nation, c'est le débat constructif des éthiques et des finalités au sein d'un état respectant. Il n'y a rien en Islam qui s'oppose à la distinction entre le pouvoir d'e haut, lié au fait religieux, et le pouvoir négocié, le processus de l'État démocratique et sécularisé. Au Maroc, en Tunisie, en Égypte, en Jordanie, au Yémen, on utilise le concept de dawlat madaniah, Etat et pouvoir civil. Dans le monde majoritairement musulman, en effet, les notions de sécularisation et de laïcité ne sont pas liées à un processus de libération et de démocratisation. Ben Ali, Bachar el-Assad, Saddam Hussein, Moubarak et même Atatürk vont imposer des modèles de laïcité qui sont des dictatures où l'Etat se sépare du religieux pour mieux le contrôler et le soumettre. La sécularisation est historiquement associée à la colonisation ou à la dictature dans le monde arabe, il faut s'en souvenir et
espérer que les débats actuels permettent d'accéder à des modèles endogènes réellement démocratiques et ouverts.

Abdelwahab Meddeb :
Nos sociétés sont structurées par deux notions : république et démocratie. La tradition française accorde le primat à la république ; c'était aussi le cas en Tunisie avec Bourguiba et en Turquie avec Atatürk. Dans ces deux pays, l'Etat a été instructeur du peuple, comme le veut Rousseau. La politique coercitive de modernisation a fini par métamorphoser le corps social dans l'absence de liberté. En Turquie, même la diversité gérée par l'Empire ottoman a été évacuée par la république, amenant la non-reconnaissance du génocide arménien et de la spécificité kurde. L'opération menée par Erdogan a consisté à inverser le rapport pour mettre la démocratie au premier rang. C'est dans le cadre d'une société déjà modernisée que l'islamisme a été amené à se transformer en démocratie islamique. Les derniers événements en Tunisie ont apporté le signe manquant de la modernité, de l'ère démocratique en faisant de la liberté une personne vivante, comme l'aurait dit Tocqueville pour l'égalité en Amérique. Dans ces deux sociétés déjà modernisées, la référence à la sharî'a a été exclue de l'édifice juridique. Il faut que le législateur demeure vigilant pour maintenir ce précieux acquis qui donne sa cohérence au droit et qui symbolise la modernisation. Partout ailleurs la référence à la charia est encore explicite. Or il va falloir bien des acrobaties pour concilier l'Etat civil avec le droit divin. Aussi l'édifice étatique se fait-il bancal. Hassan El-Banna, le fondateur des Frères musulmans était cohérent avec lui-même en conviant les pays musulmans qui ont inscrit dans leur constitution l'islam comme religion d'Etat d'adopter la charia comme source du législateur par voie de conséquence.

Tariq Ramadan :
La charia est un terme polysémique. Certains, comme l'Arabie Saoudite, en font une lecture littérale. D'autres préfèrent l'interpréter comme une vision des finalités. L'Europe aussi a connu ce débat : fallait-il inclure dans la Constitution européenne le référent religieux, les origines chrétiennes de l'Europe ? Certains, au nom de la laïcité, s'y refusaient ; d'autres voyaient là une source d'inspiration. Dans le monde musulman, on retrouve aujourd'hui le même débat. Certains conçoivent la charia comme un code strictement normatif et divin. D'autres, comme moi, pensent que la charia est une construction humaine qui nous donne des orientations éthiques. Le débat constitutionnel devrait amener à discuter de la substance du mot charia. Au lieu d'évacuer ce référent, donnons-lui une substance critique de l'intérieur.
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Ne serait-il pas plus intéressant que ces considérations éthiques inspirent la Constitution, sans y être forcément incluses ? Pourquoi prendre le risque d'inscrire la charia dans la Constitution?

Tariq Ramadan : On ne résoudra pas le problème en incluant ou excluant des concepts qui participent des références majoritaires d'une société. Il faut engager des débats sur la compréhension et la substance des concepts et des modèles politiques. La séparation des pouvoirs n'est pas en contradiction avec l'islam. Avec ou sans la mention de la charia dans la Constitution, il faut ouvrir un débat sur les principes défendus et ce débat est crucial. Nous sommes dans une période à risque. Certains essaieront bien sûr de récupérer ces révolutions pour imposer des modèles de quasi théocraties littéralistes, d'autres pour suivre les traces de l'Occident, d'autres chercheront une troisième voie : seul le débat critique de l'intérieur permettra l'émergence de sociétés libres et réconciliées avec elles-mêmes.

Abdelwahab Meddeb : Je suis déconstructiviste. En suspendant la référence à la charia, je renonce à une forme d'identité fabuleuse pour lui substituer des institutions rationnelles qui organisent la cité dans le vivre en commun. Face au discontinu qu'impose l'histoire, je refuse de construire avec la charia la fiction du continu. A chacun sa ruse du droit. La charia veut dire en arabe la voie. Il faut trouver la sortie dans cette voie. Si le réformiste s'empare de la charia où elle est encore inscrite pour la vider de sa substance, je serais son allié. Si sa tâche était de la réintroduire là où elle avait été déjà abolie, cela constituerait un retour en arrière que je combattrais.

Tariq Ramadan :
Je suis un réformiste. Pour nous doter d'une éthique appliquée, il nous faut ouvrir un débat entre les savants du texte et les savants du contexte. Et parmi ces derniers, certains ne sont pas du tout musulman. Ce débat critique est le seul moyen de discuter la substance de la terminologique que l'on emploie, dont le mot charia. Entre les pros et les antis, ce terme a été figé. Fétichiser la charia et en constituer un corps de principes sacrés est dangereux, c'est la possibilité d'une théocratie islamique. Mais on ne peut pas évacuer ce terme de la conscience musulmane contemporaine. Il s'agit plutôt d'en critiquer la substance.

Abdelwahab Meddeb : Nous avons à déconstruire la charia comme la marque de l'identité ; celle-ci est une fiction, c'est une construction imaginaire. Pourquoi passer par la logique autre de la charia pour s'acclimater à la liberté, à la démocratie ? Ce serait céder au fétichisme. Comment concilier la souveraineté du peuple avec la souveraineté divine ? Dans le Traité décisif, Averroès évoque la question des emprunts à d'autres cultures. Selon lui, toute invention technique est un acquis pour l'ensemble de l'humanité. Il faut savoir être économe. Nous n'avons pas à réinventer ce qui l'a déjà été. Nous devons même en tant que musulmans remercier les Grecs d'avoir inventé cet "instrument" logique qu'est l'Organon d'Aristote. À entendre Tariq Ramadan, j'ai l'impression qu'il s'efforce de réinventer ex-nihilo la démocratie en lui imposant l'entonnoir de la charia, alors que l'instrument de la technique politique est à notre disposition. L'Occident a inventé la démocratie ; le corpus qui a présidé à sa naissance est un acquis pour toute l'humanité : à nous de le développer, de l'enrichir, de l'adapter par rapport à ce que nous sommes. Les Lumières n'appartiennent plus à l'Occident. Elles sont la propriété de l'humain.
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Tariq Ramadan : Citer Averroès comme représentatif de la tradition musulmane, c'est une vision très occidentale ! Je préfère pour ma part me référer d'une multitude de penseurs dont Shatibi, juriste andalou du XIVe siècle qui envisage toute la philosophie du droit musulman au niveau des finalités et de l'éthique. Le seul moyen de se décomplexer, ce n'est pas seulement d'assumer nos emprunts, c'est d'engager un débat critique avec la terminologie qui est la nôtre. Dans le monde majoritairement musulman, il s'agit aujourd'hui de comprendre que des valeurs universelles proviennent de cultures et de sociétés différentes. La promotion de ces valeurs inaliénables peut se faire au nom de ma compréhension de la charia. N'est-il pas possible, selon vous, que des sociétés majoritairement musulmanes soient inspirées par des références religieuses et, en même temps, produisent une société démocratique fondée sur des droits humains, avec pour finalités la
justice, la dignité et l'égalité des hommes et des femmes ? Ou faut-il que ces sociétés se démarquent du référent islamique pour y parvenir ?

Abdelwahab Meddeb :
Je suis assez souverain pour n'avoir pas de complexe à l'égard du référent occidental. Shatibi lui-même s'inspire du droit romain avec son concept cardinal de maçlaha, cette utilitas à qui il accorde la priorité sur les principes dans sa démarche juriprudentielle. Il n'y a pas de matière pure. Les grandes idées circulent entre les langues et les humains. Pour forger sa grandeur, l'islam s'est inspiré des Grecs, des Latins, des Indiens, des Perses, des Chinois. Les Européens ont été éduqués par l'Islam. Je peux en effet lire le Coran éclairé par les principes des Lumières. Mais pour ce faire, il convient d'enregistrer une rupture épistémologique. Par exemple, les versets 42-50 de la Ve sourate ont constitué pour le législateur soumis à la logique de la charia les fondements de la loi sur les dhimmis, celle qui donne statut de protégés aux adeptes des autres monothéismes, pour que leur présence dans la cité soit reconnue dans leur infériorité même : "Si Dieu avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté. Mais il voulait vous éprouver en ses
dons. Entrez en course pour les bonnes oeuvres vers Dieu". Maintenant que le statut de dhimmi a été rendu obsolète par l'égalité citoyenne, je lirai ce texte tout autrement. A partir de lui, il est possible d'élaborer une théologie des religions qui instaure une convivance entre les croyances dont le critère serait l'émulation éthique dans un accès égal à une vérité tremblant vers l'indécidable. Ce fragment coranique serait alors annonciateur de la parabole des trois anneaux que reprend Lessing de Boccace pour illustrer la tolérance dans Nathan le sage, drame dont les protagonistes en la pluralité de leurs croyances se croisent au coeur de la cité islamique.

Tariq Ramadan : Comment défétichiser ce concept de charia ? Ce n'est pas en le faisant disparaître d'un texte de loi ; c'est en le soumettant à la critique.

Abdelwahab Meddeb : Mais comment gérer alors l'hétérogénéité des sources du droit ?

La lettre même du Coran prédispose-t-elle à une lecture intégriste ? Le statut de la femme, notamment, semble en contradiction avec les principes républicains ou la "citoyenneté égalitaire" dont Tariq Ramadan faisait pourtant un principe inaliénable ?

Abdelwahab Meddeb :
Les passages du Coran sur les femmes qui nous choque ont des équivalents dans la Bible. Ce n'est pas une invention coranique. Le statut de la femme est même plus avancé dans le Coran que dans la Bible. Le problème, c'est que les sectateurs de la Bible ont pour la plupart dépassé l'approche littérale. Tandis que beaucoup de lecteurs musulmans (et pas seulement islamistes) lisent encore le Coran selon une permanence qui fait perdurer le contexte patriarcal du temps de son émission. Or, aujourd'hui, nous sommes très loin du patriarcat. Les jeunes qui se sont révoltés l'hiver dernier en Egypte et en Tunisie ont été les éducateurs de leurs propres pères. Une partie du Coran est obsolète et à neutraliser par le retour au contexte. L'historisation me paraît essentielle dans l'approche du texte coranique. Un grand nombre de musulmans participent aujourd'hui à l'islamologie comme science internationale, ils optent pour une démarche historicisante et philologique. Il faudrait que les résultats de ces recherches passent du studio d'études au sens commun. Il y a un travail didactique à faire. Serait-ce là une des tâches futures de l'Etat à venir qui assumerait la fonction d'instituteur du peuple comme le voulait aussi Condorcet ?

Tariq Ramadan :
Ces questions ont été largement instrumentalisées. Les traditions chrétienne, juive ou bouddhiste contiennent elles aussi des textes qui peuvent paraître choquants à l'aune de nos valeurs actuelles. Dans le cas de l'Islam, cependant, on fait fi de toute une tradition de contextualisation. On se permet de figer le texte comme s'il n'avait pas été interprété au fil de l'histoire.

Comprenez-vous que certaines pratiques musulmanes puissent choquer ?

Abdelwahab Meddeb : Oui, notamment que certaines mosquées débordent dans la rueU L'intégration suppose le respect des lois de l'hospitalité. Elle implique la discrétion, la distinction entre l'agora et la demeure. La manifestation ostentatoire de la croyance peut être perçu comme une provocation, comme un appel à la conquête, au prosélytisme, comme une atteinte à la liberté d'autrui. Au cours des trente dernières années, les islamistes ont lancé des attaques très violentes contre les laïcs. Sous le titre de Laïcs et traîtres, le Tunisien Muhammad Moro, a voulu montrer que les laïcs préparaient le terrain pour l'impérialisme culturel et politique. D'après l'Egyptien ex-Frère musulman, prédicateur sur la chaîne qatarie Al-Jazira, Youssef Al-Qaradaoui, en plus fondateur du Conseil européen des fatwas et de la recherche, "la laïcité accepte le droit positif, qui n'a ni histoire, ni racine, ni acception générale, et récuse le droit musulman que lamajorité considère comme la loi divine... Le laïc qui refuse l'application du droit musulman est un apostat." Or, dans la
lettre de la charia, l'apostat est condamné à la peine capitale. Alors comment interpréter la référence de Qaradaoui à l'État civil, dont nous avons parlé plus haut ? Marque-t-elle un retournement spectaculaire ? Est-ce une révolution copernicienne ? Une palinodie ? Ou simplement paroles de circonstance pour prendre à temps le train de la révolution et le détourner pour son propre compte lorsque la conjoncture s'y prêtera ?

Tariq Ramadan :
J'attends des politiques qu'ils arrêtent d'instrumentaliser la question de l'Islam pour créer de l'altérité, ce qui est le fait des populistes. Les gouvernements européens disent n'avoir aucun problème avec la grande majorité des musulmans : ils respectent la loi, ils parlent la langue du pays et les sondages indiquent que les musulmans britanniques et français se sentent appartenir à leur pays. Pourtant, à l'heure actuelle, on fonde plus facilement une mosquée avec de l'argent saoudien qu'avec des fonds issus des collectes récoltées par des Français de confession musulmane. On ne leur fait pas confiance, on les surveille. La laïcité, ce n'est pas le contrôle de l'islam français, c'est l'arbitrage et l'autonomisation de l'islam au coeur de la République.
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De l'homosexualité à la lapidation des femmes adultères dans certains pays islamiques, la question des moeurs semblent être la plus délicate et permet de nourrir chez certains l'idée d'un antagonisme des civilisations? 

Abdelwahab Meddeb : En Égypte ou en Tunisie, les gays existent, ils se défendent. C'est là un état de fait qui devrait être reconnu en droit. La notion d'habeas corpus demande à être adaptée en Islam où la liberté au sens où l'entendait Stuart Mill trouve difficilement sa place. Il faut dénoncer le mal de "la tyrannie de la majorité". Il convient de tracer une limite à l'ingérence de l'opinion dans l'indépendance de l'individu. C'est tout aussi important que de se prémunir contre le despotisme politique. A cela, il importe d'insister sur l'universalité de la déclaration des droits de l'homme et être vigilant défenseur en contexte islamique fétichisant la chariades articles XVI qui défend la liberté de mariage sans restriction de race, de nationalité, de religion et l'article XVIII qui stipule la liberté de pensée, de conscience, de religion, impliquant la liberté de changer de religion. Toutes ces dispositions entrent en conflit frontal avec la lettre de la charia. Ces articles constituent pour nous les signes d'une modernité donnant à la liberté le statut d'une personne vivante qui a projeté son ombre sur la scène du printemps arabe.

Tariq Ramadan : En termes de comportement sexuel, rien ne distingue l'islam de la tradition chrétienne, juive ou bouddhiste. L'interdiction musulmane du comportement homosexuel est la norme, mais comment gérer la réalité ? La question est celle de l'éducation. Il faut faire évoluer les comportements, apprendre à respecter les autres, leur identité et leurs choix, et suspendre le jugement sur l'être : "Dieu seul le sait"U La notion de liberté n'est pas une notion nouvelle en Islam. Tous les grands savants de l'Islam sont passés par la prison. Il y a une tradition de liberté intellectuelle, de contestation. Le problème tient plutôt à la liberté sexuelle et à la morale personnelle. Je suis, à titre personnel contre le port du niqab ou la lapidation des hommes et des femmes adultères, mais je veux faire évoluer la doctrine à l'intérieur, sinon rien ne changera. D'ailleurs, sur ce point le discours occidental a changé : au Moyen-Âge, le musulman et l'arabe incarnaient la permissivité, la luxure, les mille et une nuits. Au XIXe siècle, ils représentent le prohibitif. On est passés du harem au niqab selon les intérêts idéologiques du moment : le musulman devant représenter l'autre, l'altérite par excellence. Sur le plan des moeurs, la liberté est sans doute une notion problématique dans les pays majoritairement
musulmans : c'est un fait indiscutable et il faut en faire la critique.

Considérez-vous que l'Europe en général, et la France en particulier, traverse un moment islamophobe ?

Abdelwahab Meddeb :
L'islamophobie est au fondement de l'identité européenne. Depuis la Chanson de Roland jusqu'au Mahomet de Voltaire, l'Europe s'est construite par rapport à l'Autre islamique et à travers son rejet. Nous avons désormais à vivre ensemble, sans occulter cette mémoire mais en l'étudiant de façon pédagogique. La France, par ailleurs, n'a pas fini d'instruite le dossier algérien. Il reste un énorme contentieux à épurer par la pédagogie et non par l'occultation.

Tariq Ramadan : Léopold Weiss, ce diplomate juif converti à l'islam, considérait que la relation de l'Occident avec l'Islam était marquée par le traumatisme infantile du Moyen-Âge. Car l'Europe s'est construite dans l'identité négative. La France n'est pas sortie de son rapport de colonisateur. Ce phénomène renvoie à plusieurs facteurs : en France, la question religieuse a toujours produit du passionnel, indépendamment de l'islam ; d'autre part, la mondialisation a déclenché une crise identitaire ; enfin, nos perceptions sont en retard sur les réalités : les enfants de l'immigration sortent du ghetto, ils ont une nouvelle visibilité et la réussite de l'intégration suscite des crispations. On s'attaque alors aux symboles : niqab, foulard, minaretsU Par ailleurs, on assiste à une normalisation du discours populiste en France et en Europe qui est aujourd'hui utilisée à gauche comme à droite. L'islamophobie est un nouveau racisme qui s'installe et mine l'Europe et tout l'Occident : il appartient à des intellectuels et à des politiciens courageux d'oser le reconnaître et de le combattre plutôt que de faire profil bas ou de jouer la surenchère à des fins électoralistes.
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Abdelwahab Meddeb : Pour revenir au Mahomet de Voltaire, ce serait une bonne chose de l'enseigner. On découvrirait le rapport entre fiction et histoire. Et au-delà de l'islamophobie, cette pièce démonte la machine qui produit les fanatiques. Pas mal de ses vers s'appliquent aux islamistes terroristes. Le lecteur découvrira in fine que la matière islamique n'est qu'un détour emprunté par le dramaturge pour s'en prendre au fanatisme catholique qui sévissait à son époque.

viernes, 30 de diciembre de 2011

"Llamamiento internacional a una moratoria sobre los castigos corporales, la lapidación y la pena de muerte en el mundo musulmán"

- Tariq Ramadan
Marzo 2005
www.tariqramadan.com

1. Introducción
Tariq Ramadan
De forma regular las sociedades mayoritariamente musulmanas y los musulmanes del mundo están confrontados a la cuestión de la aplicación de las penas vinculadas al código penal islámico. Tanto si se refiere a la noción de la “sharî’a” o de forma más restrictiva, a la de “hudûd”, los términos del debate son determinados hoy por una cuestión central en la discusión entre los ulamâ’ y/o entre los musulmanes: ¿qué significa ser fiel al mensaje del islam en la época contemporánea? Más allá de lo que se exige de cada uno, en su vida privada, ¿qué es lo que se requiere para que una sociedad se defina como islámica? Sabemos que existen varias corrientes de pensamiento en el mundo islámico y que los desacuerdos son numerosos, profundos y recurrentes. Algunos, una minoría, exigen la aplicación inmediata y al pie de la letra, de los hudûd pues según ellos esta aplicación es indispensable previamente para que una “sociedad mayoritariamente musulmana” sea realmente considerada como “islámica”. Por otra parte, partiendo del hecho objetivo de que los hudûd efectivamente, se encuentran en los textos de referencia (El Corán y la Sunna), consideran que la aplicación de los hudûd está condicionada por el buen estado de la sociedad que debe ser justa y para algunos “ideal”, así que la prioridad está en la promoción de la justicia social, la lucha contra la pobreza y el analfabetismo. Y por último, otros también minoritarios, consideran absolutamente caducos los textos relativos a los hudûd y estiman que estas referencias no deben tener lugar en las sociedades musulmanas contemporáneas.
Vemos que las opiniones son divergentes y los posicionamientos a menudo tajantes sin que podamos decir que los respectivos argumentos, sobre este tema en concreto, sean realmente explícitos y aclarados. En el momento en que escribimos estas líneas, mientras que el debate de fondo en el interior de las sociedades musulmanas está casi ausente y que las posiciones permanecen muy vagas, ver a menudo confusas, mujeres y hombres sufren la aplicación de estas penas, frente a las cuales, no hay consenso entre los musulmanes.
Para los musulmanes, el islam es un mensaje de igualdad y justicia. ¿Es por fidelidad a este mensaje que sentimos la imposibilidad de quedarnos callados ante una aplicación tan injusta de nuestras referencias religiosas? ¿Es así porque la palabra y el debate deben liberarse sin conformarse con respuestas generales,
embarazosas y a veces alambicadas? Estos silencios y contorsiones intelectuales son poco dignas de la claridad del mensaje de justicia del islam. En el nombre de las fuentes textuales musulmanas, de la enseñanza islámica y de la conciencia musulmana contemporánea; hay cosas que decir, decisiones que tomar.

2. Lo que dicen la mayoría de los ulamâ’
Todos los ulamâ’ del mundo musulmán, de ayer y hoy, y en todas las corrientes de pensamiento, reconocen que existen textos en las escrituras que hacen mención de los castigos corporales (Corán y Sunna), de la lapidación de las mujeres y de los hombres adúlteros (Sunna) y de la pena capital (Corán y Sunna). Se trata de un contenido objetivo de los textos que los ulamâ’ nunca han discutido. Las divergencias entre los ulamâ’ y las diversas corrientes de pensamiento (literalista, reformista, racionalista, etc.) se atienen esencialmente a la interpretación de un cierto número de estos textos y/o a las condiciones de la aplicación de las penas relativas al código penal islámico (naturaleza de las infracciones cometidas, testimonios, contextos sociales y políticos, etc) o más global y fundamentalmente en su grado de pertinencia en la época contemporánea.
La mayoría de los ulamâ’, a través de la historia y hasta hoy, son de la opinión que estas penas son completamente islámicas pero que es casi imposible cumplir “las condiciones exigidas” para su aplicación son casi imposibles de reunir (en particular en lo concerniente a la lapidación): siendo pues “casi nunca aplicables”. Los hudûd tendrían sobretodo “una vocación disuasiva”, cuyo objetivo sería establecer la gravedad, en la conciencia de los creyentes, de las acciones que acarrean tales castigos.
Quien lee los libros de los ulamâ’, quien escucha sus conferencias y sus sermones, quien viaja al interior del mundo islámico o tiene trato con las comunidades musulmanas de Occidente escuchará forzosa e invariablemente, la fórmula siguiente por parte de las autoridades religiosas: “...casi nunca aplicable”. Esta permite escapar del fondo de la cuestión a la mayoría de los ulamâ’ y de los musulmanes sin dar la impresión de ser infieles a las fuentes textuales islámicas. La otra actitud sería la de evitar la cuestión y/o guardar silencio.
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3. Lo que pasa sobre el terreno
Nos hubiera gustado que esta fórmula “casi nunca” fuera comprendida como una garantía para proteger a las mujeres y a los hombres frente a los tratos represivos e injustos; habríamos deseado que las condiciones estipuladas fueran entendidas como una invitación a promover la igualdad ante la ley y la justicia entre los seres humanos por los gobiernos y legisladores que apelan al islam. Pero no es así.
En efecto, tras un discurso islámico que minimiza los hechos y lima asperezas, a la sombra de ese “casi nunca”, mujeres y hombres son castigados, golpeados, lapidados y ejecutados en nombre de la aplicación de los hudûd y ello sin que la conciencia de los musulmanes del mundo entero se conmueva demasiado.
Hacemos como si no se supiera, como si se tratara de traiciones menores a las enseñanzas islámicas. Ahora bien, para colmo de injusticia agravada, estas penas no se aplican más que a las mujeres y a los pobres, doblemente víctimas, nunca a los ricos, a los gobernantes o a los opresores. Además, hay centenares de prisioneros que no tienen derecho a ninguna defensa digna de este nombre: sentencias de muerte son decididas y ejecutadas en contra de mujeres, hombres, ver menores (opositores políticos, traficantes, delincuentes, etc.) sin que los acusados hayan podido tener el menor contacto con un abogado. Después de haber aceptado la inconsistencia de nuestros informes respecto a las fuentes textuales, dimitimos ante la traición del mensaje de justicia del islam. La comunidad internacional tiene igualmente una responsabilidad mayor y manifiesta ante el tratamiento de la cuestión de los hudûd en el mundo musulmán. La denuncia es selectiva y opera según el cálculo y protección de intereses geoestratégicos y económicos: un país pobre, de Africa o Asia, intentando aplicar los hudûd o la sharî’a hará frente a campañas internacionales de movilización como hemos podido ver recientemente. No es lo mismo para los países ricos, las petromonarquías y/o consideradas como “aliadas” que se denuncian tímidamente, o no del todo, a pesar de una aplicación constante y conocida de estas penas, en contra de los segmentos más pobres o más vulnerables de su sociedad. La intensidad de las denuncias es inversamente proporcional a los intereses en juego. Una injusticia más.
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 4. La pasión de los pueblos, el temor de los ulamâ’
Para quien viaja por el mundo islámico y tiene trato con los musulmanes aunque sea un poco, se impone una constatación: en todas partes la población manifiesta un apego al islam y a sus enseñanzas. Esta realidad, interesante en sí misma y que todo musulmán siente como positiva, puede revelarse perturbadora y rotundamente peligrosa, cuando la naturaleza de este apego es casi vehemente, sin gran conocimiento ni comprensión de los textos, con poca o ninguna distancia crítica en cuanto a las diferentes interpretaciones de los sabios, a la necesaria contextualización, a la naturaleza de las condiciones requeridas, incluso a la protección de los derechos de los individuos y a la promoción de la justicia. Sobre la cuestión de los hudûd, a veces se ven unos fervores populares esperando o exigiendo su aplicación literal e inmediata porque ésta última garantizaría en lo sucesivo el carácter “islámico” de la sociedad. En efecto, no es raro oír a musulmanas y musulmanes del pueblo (educados o no, y a menudo desproveídos) que piden una aplicación formalista y estricta del código penal (en su espíritu, la sharî’a) de la cual a menudo serán ellos mismos las primeras víctimas. Cuando se estudia este fenómeno, se comprende que hay dos tipos de razonamiento que motivan generalmente estas reivindicaciones:
1. La aplicación literal e inmediata de los hudûd hacen legal y socialmente visible la referencia al islam. La legislación, por su rigor, ofrece el sentimiento de una fidelidad a la orden coránica que exige respetar rigurosamente el texto. A nivel popular, se ha podido ver en los países africanos, árabes, asiáticos incluso
occidentales, que lo que le otorga una dimensión islámica en la psique popular es la dureza y la propia intransigencia de la aplicación.
2. Las críticas y condenas de occidente alimentan paradójicamente el sentimiento popular de fidelidad a la enseñanza islámica según un razonamiento antitético, simple y simplista: la brutal oposición de occidente es una prueba suficiente del carácter auténticamente islámico de la aplicación literal de los hudûd. Algunos se persuadirán de ello afirmando que occidente ha perdido desde hace tiempo sus referencias morales y se ha vuelto tan permisivo que la dureza del código penal islámico, que sanciona los comportamientos juzgados inmorales, es por antítesis la única vía alternativa “a la decadencia occidental”.
Estos razonamientos formalistas y binarios son fundamentalmente peligrosos pues reivindican y otorgan una cualidad islámica a una legislación, no en lo que ésta promueve, protege y aplica justicia, sino porque sanciona duramente, y visiblemente, algunos se comportan en contraste y oposición a las leyes occidentales percibidas como moralmente permisivas y sin ninguna referencia a la religión. Hoy vemos, que comunidades y poblaciones musulmanas se satisfacen con este tipo de legitimación para sostener un gobierno o partido que llama a una aplicación de la sharî’a comprendida como una aplicación literal e inmediata de castigos corporales, de la lapidación y de la pena de muerte. Podemos observar una tipo de pasión popular en la que la primera característica es la voluntad de responder a diversos tipos de frustraciones y humillaciones mediante una afirmación de identidad que se percibe como islámica (y anti-occidental) pero que no está fundada sobre la comprensión de los objetivos de las enseñanzas islámicas (al-maqâsid) ni en las diferentes interpretaciones y condiciones relativas a la aplicación de los hudûd. Frente a esta pasión, muchos ulamâ’ permanecen prudentes por miedo a perder su credibilidad ante las masas. Se observa una forma de presión psicológica ejercida por el sentimiento popular sobre la elaboración jurídica de los ulamâ’ que normalmente deberían ser independientes a fin de educar a la población y proponer alternativas. Ahora bien, este es el fenómeno inverso que se observa hoy: la mayoría de los ulamâ’ teme confrontar las reivindicaciones populares a veces simplistas, poco sabias, apasionadas y binarias por miedo a perder su status y ser considerado como demasiado comprometido, no lo suficientemente estricto, demasiado occidentalizado, no lo bastante islámico.
Los ulamâ’, que deberían ser los garantes de una lectura profunda de los textos, de una fidelidad a los objetivos de justicia y de igualdad, y de un análisis crítico de las condiciones y de los contextos sociales, se ven arrastrados a aceptaro bien el formalismo (aplicación inmediata no contextualizada), o bien el razonamiento binario (menos de occidente es más de islam), o bien, por último que se ocultan tras fórmulas que les protegen sin aportar soluciones a las injusticias cotidianas que sufren las mujeres y los pobres (“eso que no es casi nunca aplicable” ), debido a un entusiasmo popular poco informado y a veces ciego.

5. Un status quo imposible: nuestra responsabilidad

El mundo islámico atraviesa una crisis muy profunda en la que las causas y los aspectos son múltiples y a veces contradictorios. Los sistemas políticos del mundoárabe a menudo echan el cerrojo, la referencia al islam está frecuentemente instrumentalizada y las opiniones públicas son, amordazadas o ciegamente
apasionadas (hasta el punto de adherir, o incluso reivindicar, la aplicación más represiva y la menos justa de la “sharîa’ islámica” y de los hudûd).
En el ámbito más circunscrito a la cuestión religiosa, podemos observar una crisis de autoridad acompañada de una ausencia de debate interno entre los ulamâ’ de diferentes escuelas de derecho (y de pensamiento) y en el interior de las sociedades y de las comunidades musulmanas. De ello resulta una diversidad de opiniones que, aún siendo aceptada en islam en sí misma, hoy se convierte en un desorden general que hace coexistir a las opiniones islámicas más opuestas y contradictorias, en las que cada cual reivindica su “carácter islámico” excluyendo a cualquier otro. Ante este caos jurídico, la gente y los musulmanes comunes acaban estando más motivados por “impresiones de fidelidad” que por opiniones fundadas en el saber y la comprensión de los principios y reglas islámicas (ahkam).
Hay que hacer frente a la realidad. La cuádruple crisis de los sistemas políticos cerrados y represivos, de la autoridad religiosa hecha trizas, de las exigencias contradictorias, y de la población poco educada y arrastrada por una fidelidad a las enseñanzas del islam más apasionada que reflexiva, no puede legitimar nuestro agobiante silencio, cómplice y culpable cuando mujeres y hombres son castigados, lapidados o ejecutados en nombre de una aplicación formalista e instrumentalizada de las fuentes textuales del islam.
Va en ello la responsabilidad de los musulmanes del mundo entero. Son ellos los que deben aceptar el desafío de restablecer la fidelidad al mensaje del islam en la época contemporánea; son ellos los que deben denunciar los déficits y las traiciones allí donde tengan lugar, aunque sea alguna autoridad o individuo musulmanes. Una tradición profética relata: “Ayuda a tu hermano, ya sea él injusto o víctima de una injusticia”. Uno de los Compañeros preguntó: “Enviado de Dios, comprendo cómo ayudar a alguien que es víctima de una injusticia, pero ¿cómo ayudarle si él es el injusto?”. El Profeta (P.yB.) respondió: “Impídele ser injusto, así es como le ayudarás”
Esta es la responsabilidad de cada ‘âlim (sabio), de cada conciencia, de cada mujer y de cada hombre, allí donde se encuentre. Los musulmanes occidentales se esconden a veces tras el argumento de que la aplicación de la sahrî’a o de los hudûd no les concierne, ya que no están obligados a ello “en situación de minoría”. Así que, guardan sobre la cuestión un molesto y a menudo pesado silencio, desde el cual expresan aún, una condena a distancia sin procurar que evolucionen las cosas y las mentalidades. Ahora bien, estas musulmanas y musulmanes que viven en espacios de libertad política, que tienen la posibilidad de acceder a la educación y al saber, tienen una responsabilidad mayor -incluso en nombre de las enseñanzas islámicas- para intentar reformar la situación, abrir un debate de fondo, condenar y hacer que se acaben las injusticias perpetradas en su nombre.

6. Un llamamiento, unas preguntas
Teniendo en cuenta todas estas consideraciones, lanzamos hoy un Llamamiento internacional a una moratoria inmediata sobre los castigos corporales, la lapidación y la pena de muerte en todos los países mayoritariamente musulmanes.
Considerando que las advertencias de los sabios no son ni explícitas ni unánimes (incluso sin clara mayoría) en cuanto a la comprensión de los textos y a la aplicación de los hudûd que se asimila falsamente con la “sharî’a islámica”. Este llamamiento se refuerza con una serie de preguntas fundamentales dirigidas al conjunto de las autoridades religiosas islámicas del mundo, sea cual sea su tradición (sunnî o shî’î), su escuela de derecho (hanâfî, mâlikî, ÿa’farî, etc.) o su corriente de pensamiento (literalista, salafî’, reformista, etc.):
1. ¿Cuáles son los textos (y cuál es su grado respectivo de autenticidad reconocida), que hacen referencia a los castigos corporales, a la lapidación y a la pena de muerte en el corpus de las fuentes textuales a los que los especialistas denominan hudûd? ¿Cuáles son los márgenes de interpretaciones posibles y sobre qué ámbitos se han expresado los puntos de divergencia (al-iktilâf) en la historia del derecho islámico y hasta la época contemporánea?
2. ¿Cuáles son las condiciones (shurût) estipuladas para cada una de las penas por las propias fuentes, el consenso de sabios (al-iÿmâ’) o por sabios aislados a través de la historia del derecho y de la jurisprudencia islámicos (fiqh)? ¿Cuáles han sido las divergencias en cuanto a la estipulación de esas condiciones y qué tipo de “circunstancias atenuantes” han sido elaboradas en ocasiones por tal o cual autoridad religiosa a través de la historia o en las diferentes escuelas jurídicas?
3. El contexto sociopolítico (al-wâqi’) ha sido siempre considerado por los ulamâ’ como una de las condiciones de la aplicación de los hudûd, pero su importancia es tal que esta cuestión necesita un tratamiento particular (y la participación en los debates de los intelectuales, en particular aquellos que están
especializados en las ciencias humanas). ¿En qué contexto es posible pensar hoy en aplicar los hudûd? ¿Cuáles serían las condiciones requeridas en materia de sistema político y de aplicación de la legislación general: libertad de expresión, igualdad ante la ley, educación popular, estado de la pobreza y de la exclusión social, etc.? Cuáles son, en este dominio, los puntos de divergencia entre las escuelas de derecho y los ulamâ’ y sobre qué se apoyan estos desacuerdos.
El estudio de estas preguntas debe tener como objetivo clarificar los términos del debate en lo concerniente a las latitudes interpretativas ofrecidas por los textos, al mismo tiempo que una toma de contacto determinante del estado de las sociedades contemporáneas y de su evolución. Esta reflexión intracomunitaria exige de hecho, una doble inteligencia de los textos y de los contextos con una
preocupación por la fidelidad a los objetivos del mensaje del islam: sobre el fondo, debe permitirnos responder a la pregunta de saber lo que es aplicable (y en según qué modalidades) y aquello que ya no lo es (teniendo en cuenta las condiciones requeridas que es imposible que se cumplan y la evolución de las sociedades alejándose indefectiblemente del ideal requerido).
Este paso interno, exige rigor, tiempo y la puesta en marcha de espacios de diálogo y de debates nacionales e internacionales entre los ulamâ’, los intelectuales musulmanes y dentro de las comunidades islámicas, ya que no se trata sólo de la relación con los textos sino igualmente con los contextos. En el intervalo, no puede
tratarse de aplicar penas que sólo podrán confirmar aproximaciones legales e injusticias tal como ya sucede. Se impone pues una moratoria, para permitir un debate fundamental que se desarrolle con serenidad, sin servir nunca de garantía en la instrumentalización del islam. Es necesario que cesen inmediatamente todas las injusticias legalizadas hechas en nombre del islam.

7. Entre la letra y los objetivos : la fidelidad
Algunos comprenden y comprenderán este llamamiento como una incitación a no respetar las fuentes textuales del islam. Pedir una moratoria sería ir contra los textos explícitos del Corán y de la Sunna. En cambio, se trata exactamente de lo contrario: todos los textos que se refieren al ámbito del derecho exigen ser leídos en función de las finalidades que los justifican (al-maqâsid). Así que, entre las finalidades esenciales y superiores, se encuentran estipuladas la protección de la integridad de la persona (an-nafs) y la promoción de la justicia (al-‘adl). Pero una aplicación literal de los hudûd, no contextualizada y sin el respeto de las estrictas y múltiples condiciones enunciadas, y que se presentarían como una fidelidad formal
a las enseñanzas del islam, puede ser una traición, de hecho, ya que puede producir según el contexto, una injusticia determinada. Bien estableció el califa ‘Umar ibn al-Jattab una moratoria, cuando decidió suspender la aplicación de la pena que afectaba a los ladrones, durante el año de hambruna. El texto coránico es de lo más explícito, sin embargo el estado de la sociedad hacía injusta su aplicación literal: se habría castigado a gente pobre, a la que el robo potencial habría tenido como único objetivo, el intento de sobrevivir en una situación de absoluta pobreza.
La reflexión y las reformas necesarias en las sociedades mayoritariamente musulmanas, sólo pueden proceder del interior. Atañe a las musulmanas y a los musulmanes hacerse cargo de sus responsabilidades e impulsar este movimiento que abre se al debate y al diálogo intracomunitario, rechazando las injusticias que
continúan siendo legalizadas y aplicadas en el nombre del islam, es decir en su nombre. Es imperativa una dinámica endógena. Esto no quiere decir que las cuestiones planteadas por intelectuales o ciudadanos no musulmanes deban quedar descalificadas, sino al contrario. Toda las partes deben aprender a descentrarse y a escuchar a la otra, sus puntos de referencia, su lógica y sus esperanzas. Para los musulmanes, todos los interrogantes son bienvenidos, vengan de sus correligionarios o de las mujeres y hombres que no comparten sus convicciones: les toca luego hacer de ello, el fermento y el dinamismo de su pensamiento que, desde el interior será incluso la mejor forma de ser fiel a la exigencia de la justicia del islam, teniendo en cuenta las exigencias de la época contemporánea.

8. Conclusión
Este llamamiento a una moratoria inmediata sobre los castigos corporales, la lapidación y la pena de muerte es necesario por varios motivos. Apelamos a la toma de conciencia de cada uno, para que ella/él se sientan concernidos por la instrumentalización del islam y el tratamiento degradante al que son sometidos mujeres y hombres en determinadas sociedades mayoritariamente islámicas, en medio de un silencio cómplice y de un desorden generalizado, en cuanto a las opiniones jurídicas en la materia. Esta toma de conciencia implica como garantía:
- Una movilización de los musulmanes de a pie de todo el mundo, que apelen a los gobiernos para decidir una moratoria inmediata sobre la aplicación de los hudûd y para la apertura de un amplio debate intracomunitario (crítico, razonable y argumentado) entre los ulamâ’, los intelectuales, los líderes y la población.
- La interpelación de los ulamâ’ para que se atrevan a denunciar por fin, las injusticias y la instrumentalización del islam en el ámbito de los hudûd y que apelen, incluso en nombre de los textos islámicos y a su fidelidad, a una moratoria inmediata siguiendo así el ejemplo de ‘Umar ibn al-Jattab.
- Promover la educación de las poblaciones musulmanas para que superen los espejismos del formalismo y de las apariencias. La aplicación de las medidas represivas y de los castigos no hace que una sociedad sea más fiel a las enseñanzas islámicas: es más bien su capacidad para promover la justicia social y la protección de la integridad de cada individuo, mujer u hombre, pobre o rico, lo que determina su auténtica fidelidad. La norma en islam, está en los derechos que se protegen y no en las penas que se infligen (que sólo pueden ser una excepción fuertemente condicionada).
- Este movimiento de reforma interna, para los musulmanes y en el propio nombre del mensaje y de los textos de referencia del islam, no debería escatimar nunca en escuchar al mundo que les rodea y los interrogantes que el islam suscita en el espíritu de los no musulmanes: no para doblegarse a las respuestas del “otro” o de “occidente”, sino para procurar permanecer en su espejo, mejor y más
constructivamente, fiel a sí mismo.
Llamamos a todas aquellas y todos aquellos que se adhieren a los términos de esta llamada a unirse con nosotros y a que les escuchen para que cese inmediatamente la aplicación de los hudûd en el mundo musulmán y que se instaure un debate a fondo sobre la cuestión. Es en nombre del islam, de sus textos y de su mensaje de justicia, por lo que no podemos aceptar más que mujeres y hombres sufran castigos en este baqueteado silencio molesto, cómplicey por último cobarde.
Es urgente que las musulmanas y los musulmanes del mundo rechacen las legitimaciones formalistas de las enseñanzas de su religión y se reconcilien con la profundidad del mensaje que invita a la espiritualidad y exige la educación, la justicia y el respeto del pluralismo. Las sociedades no se reformarán con medidas
represivas y castigos sino por el empeño de cada uno en establecer el Estado de derecho, la sociedad civil, el respeto a la voluntad popular y una legislación justa que garantice la igualdad de mujeres y hombres, pobres y ricos, ante la ley. Es urgente impulsar un movimiento de democratización que permita a la gente pasar de la obsesión de lo que sanciona la ley a la reivindicación de lo que ésta debería proteger: su conciencia, su integridad, su libertad y sus derechos. El islam nos invita a ser fieles en conciencia, no en prisión.


jueves, 29 de diciembre de 2011

Lessons on the Long Road to Hijab

This caricature, which first appeared on CagleCartoons.com, has been making the rounds on the Arabic blogosphere, and points to how democratic elections are serving to Islamize Egypt: average women enter the ballot box—"overseen" by the Muslim Brotherhood—only to emerge thoroughly veiled, thoroughly Islamized.
Speaking of veils and the Brotherhood, here's an interesting video of Egyptian president Gamal Abdel Nasser (1956-1970), showing just how much times have changed.
Speaking before a large assembly, Nasser told of how back in 1953 he wanted to cooperate with the Muslim Brotherhood, and met with its leader. (Nasser eventually learned that the only response to the Brotherhood is suppression, not cooperation, a lesson John Kerry and others in the current administration would do well to consider.)
According to Nasser, the very first demand of the Brotherhood leader was for the hijab to return to Egypt, "for every woman walking in the street to wear a headscarf."
The audience erupted in laughter at this, then, ludicrous demand; one person hollered "Let him wear it!" eliciting more laughter and applause.
Nasser continued by saying he told the Brotherhood leader that if they enforced the hijab, people would say Egypt had returned to the dark ages (to more laughter), adding that Egyptians should uphold such matters in the privacy of their own homes.
But the Muslim Brotherhood leader informed him that, as Egypt's president, Nasser himself must enforce the hijab, to which Nasser replied:
Sir, I know you have a daughter in college—and she doesn't wear a headscarf or anything! [laughter] Why don't you make her wear the headscarf? [laughter] So you can't make one girl, your own daughter, wear it, and yet you want me to go and make ten million women wear it?!" [burst of laughter and applause]
Half a century later and none of this is a laughing matter: the hijab, if not the full burqa, is commonplace in Egypt, even as the Muslim Brotherhood—who for decades were banned and imprisoned for trying to return Egypt to an Islamic dark age—are now poised to govern the nation, all under U.S. tutelage.
As Sheikh Osama al-Qusi recently said, the great "mistake" of Nasser's successor, president Anwar Sadat, was
not that he released these groups [Muslim Brotherhood] from the prisons after Gamal Abdel Nasser had incarcerated them; but rather for giving them the green light to work in all fields of Egyptian society, thinking he would use them to get rid of his Socialist and Communist opponents. So he permitted them to work in trade unions, school unions—giving them every opportunity to hold official positions [Emphasis added].
In other words, Sadat's great mistake—which cost him his life—is that he conferred a degree of legitimacy on the Muslim Brotherhood, thereby allowing them to worm their way into Egyptian society.
Such is the way of time: left unchecked, what was once ludicrous to suggest—for instance, the Brotherhood's 1953 request "for every woman walking in the street to wear a headscarf"—slowly and gradually becomes part of the culture.
It is for this reason that Sharia poses a threat to the West—not because it will be imposed on Westerners, but rather because, little by little, decade after decade, aspects of it may gradually worm their way in.

* Posted by Raymond Ibrahim (Shillman Fellow at the David Horowitz Freedom Center and Associate Fellow at the Middle East Forum) at www.meforum.org

miércoles, 28 de diciembre de 2011

Siria, el zarpado de un tigre herido


Las revoluciones, esas misteriosas convulsiones de luchas callejeras e intrigas a base de secretos susurrados, las fluctuaciones de las insondables mareas del poder, se desarrollan por fases, y los levantamientos de los dos países árabes más importantes, Egipto y Siria, se encuentran ahora al borde de un nuevo momento trascendental. En las revoluciones, la primera fase es la del aumento de las protestas populares; la segunda fase es la represión despótica para aplastarlas, y la tercera es la de la supervivencia y el impulso creciente de la revuelta, hasta desembocar en la caída del tirano si pierde el apoyo de su Ejército o su corte.
La primera etapa es la más apasionante para la prensa occidental y la más emocionante para los jóvenes participantes, un material digno de Los Miserables y otras obras parecidas, pero suele ser la menos importante. Las revoluciones no terminan casi nunca como parecen empezar, y las consecuencias siempre son totalmente distintas de las intenciones de los revolucionarios. Tardan años, a veces decenios, en aparecer, no meses; y lo que importa es quién controla a quién al final. La esperanza es que sea el pueblo el que de verdad acabe por controlar el Estado.
La revolución libia fue un éxito claro y audaz para David Cameron, una intervención liberal limitada de las que el vizconde Palmerston habría admirado. Pero esa intervención fue posible porque Libia era un país periférico y gobernado por el mamarracho dictador más despreciado en el mundo árabe. En cambio, Egipto y Siria son los dos puentes de mando del mundo árabe. En primavera, la caída del anticuado faraón Hosni Mubarak pareció una revolución democrática. Desde luego, fue un instante en el que, para parafrasear a Mao Zedong, el pueblo egipcio se puso en pie; perdió sus miedos y obtuvo la promesa de elecciones democráticas.
Ante las acciones depredadoras de los militares, los egipcios han comprendido que su revolución fue parcial, o incluso de imitación. La casta estructura político-económica del régimen militar, en el poder desde la revolución de Nasser en 1952, ha permanecido intacta en los nombres del mariscal de campo Mohamed Husein Tantaui, de 76 años, tan arrugado, casi momificado, que no llamaría la atención entre los faraones embalsamados y vendados del Museo Egipcio, y su junta, el Consejo Supremo de las Fuerzas Armadas (conocido por su acrónimo, CSFA). La furia y la frustración de la “segunda revolución” que estamos viendo ahora representan el intento del pueblo de hacer realidad las victorias de la primera.
Siria también está al borde de una situación nueva, y es todavía más importante porque se trata del corazón del mundo árabe. La importancia de Egipto es conocida. Aparte de ser una antigua civilización de faraones y pirámides, tiene la característica de ser el Estado árabe más poblado, famoso por su sofisticada clase dirigente y su papel, durante los 18 años de mandato del presidente Nasser, como líder del nacionalismo árabe. 
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El santuario de Siria
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La importancia de Siria se conoce menos. Deriva del primer califato en el siglo VII y el nacimiento del nacionalismo árabe en el siglo XX. Damasco fue la primera gran capital que cayó en poder de los ejércitos islámicos. Cuando los árabes se apoderaron también de Jerusalén, alrededor del 638, agruparon Palestina y Siria en una tierra que consideraron la verdadera tierra santa islámica: Bilad al Shams. En un ejemplo típico de los llamados Méritos de Jerusalén, leemos: “El santuario de la Tierra es Siria; el santuario de Siria es Palestina; el santuario de Palestina es Jerusalén”.
En 661, el astuto y carismático califa Muauiya, fundador de la dinastía Omeya, hizo de Damasco la capital de Bilad al Shams. Sus familiares, los grandes califas Abdel Malik y su hijo Al Walid I, construyeron la Mezquita Omeya en dicha ciudad, que incorporó la iglesia que albergaba la cabeza de Juan el Bautista. Durante sus 100 años iniciales, Siria fue el cuartel general de un vasto imperio árabe que se extendía desde España hasta las fronteras de India. Es fácil olvidar que Damasco fue, durante un tiempo, la capital del mundo. En la época de las Cruzadas, Saladino gobernaba Egipto, Palestina, Jordania y La Meca desde Damasco. Saladino adoraba Damasco, donde había crecido y había sido un joven mimado que jugaba al polo toda la noche, a la luz de las velas, con su soberano. Para él, Egipto no era más que su gallina de los huevos de oro: “Egipto fue la puta”, bromeaba, “que intentó separarme de mi fiel esposa, Damasco”.
Con los siglos, Siria siguió siendo una idea emocional y religiosa que se convirtió en un talismán nacionalista. A medida que la conciencia nacional árabe se despertaba de la represión otomana durante la I Guerra Mundial, el sueño fomentado por T. E. Lawrence fue el de un reino árabe con sede en el centro, Siria. Ese fue el objetivo de la revuelta árabe: cuando, en 1918, el príncipe hachemí Faisal liberó Damasco, se declaró rey de la Gran Siria. Antes de que existiera el nacionalismo palestino, los palestinos soñaban con vivir en el reino de Siria y Líbano de Faisal. Pero no fue así: los franceses querían Siria y derrocaron a Faisal en 1920.
Los franceses inventaron las fronteras actuales de Siria. El Mandato Francés comprendía Líbano y Siria, pero París siempre había protegido a los cristianos maronitas de Monte Líbano. Esa fue la razón de que, entre las dos guerras mundiales, Francia separase Líbano, designado santuario maronita, de Siria. De modo que la Siria moderna, una obra colonial, con una mayoría suní y unas minorías cristiana y alauí del 10% cada una, nunca ha tenido una vida normal; ha habido más de 30 golpes militares; en 1949, hubo tres en un año. Durante los años cuarenta y cincuenta, los políticos sirios estudiaron fusionarse con Irak; a finales de los cincuenta, Siria se unió con Egipto en la República Árabe Unida.
En 1969, el adusto y despiadado comandante de la fuerza aérea Hafez el Asad, pronto conocido como la Esfinge de Damasco, encontró otra manera de gobernar Siria: una dictadura controlada a través de su familia y los hermanos alauíes, que cooptaron a oficiales suníes de confianza y a ricos comerciantes suníes de Damasco y crearon una élite cleptocrática con su policía secreta.
Para impedir la disidencia en su propio país, los Asad exportaron sin piedad un terror radical, anti-israelí y antiamericano, a sus vecinos. Convirtieron Líbano, que consideraban parte de Siria, en su patio de recreo, su colonia, su hucha y su marioneta, pero necesitaban un patrocinador: primero fue la Unión Soviética y luego fue el Irán islámico.
Sin embargo, los Asad disfrutaban de un estatus especial en Occidente, y de ahí el extraño respeto mostrado a Siria incluso por el presidente Obama. La Esfinge de Damasco fomentó la posición de Siria como elemento clave para la paz en Oriente Próximo debido a su historia como corazón del mundo árabe. Ahora bien, nunca dejó de ser una tiranía dinástica y cruel, desgarrada por disputas familiares. Cuando los Hermanos Musulmanes de Hama se rebelaron, el hermano de Hafez, Rifaat, comandante de la guardia pretoriana, mató a 10.000 personas. Pero entonces intentó derrocar a la Esfinge, que le exilió a París. La Esfinge murió en 2000, y le sucedió, a la manera monárquica, su hijo Bachar, que a su vez cuenta con la ayuda de su hermano, Maher, también comandante de la Cuarta Brigada.
Hasta hace muy poco tiempo, un Occidente crédulo e ingenuo ha tolerado su reinado de terror en Líbano, su apoyo a Hezbolá y Hamás, y ahora la matanza de 3.500 inocentes y el encarcelamiento de 20.000: esos regímenes siempre recurren a vender la esperanza de reforma.
En Libia, era el heredero, Saif el Islam, quien desempeñaba ese papel. En Siria, fue Bachar. Su juventud y su simpatía, su título de oftalmólogo obtenido en Londres y su matrimonio con una belleza siria también educada en Londres contribuyeron a engatusar a los estadistas occidentales durante 10 años. Basta comparar la ruidosa reacción de Occidente al más mínimo error israelí —titulares de prensa, indignación generalizada, manifestaciones, fastuosos actos para recaudar fondos— con el casi silencio de esa misma gente sobre las matanzas y las mutilaciones de mujeres y niños cometidas por El Asad.
La Liga Árabe decidió suspender a Siria. El rey Abdalá de Jordania dijo que El Asad debe marcharse. Francia exige sanciones o una intervención como la de Libia. Pero Siria no es Libia: una intervención occidental podría tener consecuencias imprevistas y peligrosas.
Las luchas étnicas ya han comenzado. Si Siria se disuelve en una guerra civil, los alauíes de las fuerzas de seguridad intensificarán sus ataques contra los suníes y los cristianos. El Asad, que gobierna con una pequeña camarilla de familiares y esbirros, intentará distraer a los sirios mediante la movilización de Hezbolá y provocando choques con Israel. Pero es prácticamente indudable que recurrirá a las bombas o los asesinatos para involucrar a Líbano: al fin y al cabo, los dos son un solo país.
Si cae El Asad, los alauíes se encontrarán con una venganza terrible. La mayoría suní acabará dominando, y los Hermanos Musulmanes serán la fuerza hegemónica. Pero, como demuestran los golpes de Estado anteriores, los suníes más laicos, presentes en las élites militar y empresarial, tendrán un papel muy importante. Ya no harán concesiones a los chiíes de Hezbolá ni a los ayatolás de Irán: probablemente, la nueva Siria recurrirá a Egipto, como en otros tiempos.
No obstante, los mayores efectos se sentirán en las dos grandes potencias en ascenso de Oriente Próximo: parece indudable que Turquía, la potencia imperial entre 1517 y 1918, que ya hace exhibición de su poderío otomano, está armando a la oposición siria y quizá pronto cree una tierra de nadie para protegerla.
El país más importante en la primavera árabe no es árabe. La abortada Revolución Verde de Irán sirvió de disparadero de la de la primavera, pero fue aplastada por Alí Jamenei, el líder supremo, que tal vez condene pronto a muerte a sus dirigentes. Irán, nacionalista y nuclearizado, está haciendo lo mismo que El Asad a gran escala, sembrando la discordia entre sus vecinos y adoptando la arrogancia de una potencia regional para evitar la desintegración interna.
La caída de los Asad sería un golpe para Irán y sus clientes, Hezbolá y Hamás, que dependen de las armas iraníes suministradas a través de Siria. Pero Hezbolá controla Líbano, que ya está totalmente armado y preparado para una guerra con Israel. En Palestina, Hamás encontrará otros protectores. Eso sí, ambos quedarán más expuestos.
Irán y Turquía tenían buena relación, pero, a la hora de la verdad, la teocracia chií y la democracia suní chocarán por las cenizas de los Asad y el premio de Siria. En cuanto a Occidente, la caída de El Asad será la caída de un enemigo de todos los intereses occidentales.
El Asad ha proclamado que está dispuesto a morir por Siria. El primer ministro turco, Recep Tayyip Erdogan, respondió: “Si quiere ver a alguien que luchó contra su pueblo hasta morir, fíjese en Hitler y Musolini. Si no puede aprender nada de ellos, fíjese en el líder libio asesinado”.
El propio El Asad ha puesto el dedo en la llaga: aunque se presenta como un caballero árabe dispuesto a morir en la refriega, quizá entiende también que estas dictaduras dinásticas de Oriente Próximo son esencialmente monárquicas. Es difícil ver de qué forma podría retroceder; su poder, férreo y manchado de sangre, solo puede morir con el rey. Churchill tenía razón al decir que “los dictadores cabalgan sobre tigres de los que no se atreven a bajar”.
El tigre sirio está tocado, pero no hay nada más peligroso que un tigre herido.

* Publicado por Simon Sebag Montefiore (historiador británico, su libro más reciente es "Jerusalén: la biografía") en elpais.com




martes, 27 de diciembre de 2011

El año que los arabes descubrieron Palestina


The Year the Arabs Discovered Palestine
by Daniel Pipes
Middle East Review
Summer 1989

Judging from news reports, one might think that Palestinian nationalism has been active as long as Jews and Arabs have been living at the eastern edge of the Mediterra­nean Sea. And as Yasir 'Arafat rides high since his declaration of a Palestinian state, there is an understandable tendency in the West to accept at face value his insistence that the Palestinians have always sought an independent Palestinian state. In fact, this is far from the truth.
The idea of an Arab state resting between the Jordan River and the Mediterranean Sea is, rather, a twentieth-century concept. In­deed, its origins can be traced with surpris­ing precision to a single year — 1920. In January 1920, Palestinian nationalism hard­ly existed; by December of that critical year, it had been born.
The events of 1920 encapsulate the current successes and tribulations of the Palestinian movement. They foreshadow some abiding themes, such as the potential for rapid change and the major role of the Western powers. They also provide insight into the most widely supported but possibly the least successful nationalist cause of this century.
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Early 1920: The Heyday of Pan-Syrianism
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Palestinian nationalism cannot be age-old. To begin with, nationalism itself origi­nated only in late eighteenth-century Eu­rope, and took hold among the Muslims even more recently. Until the early years of this century, the ancestors of today's Pales­tinians had thought of themselves mainly in terms of religion. Islam emphasized bonds between fellow-believers, allowing little scope for territorially-bound loyalties among Muslims. Like it or not, adherents of other religions also found themselves ar­rayed along religious lines. Coreligionists shared strong bonds, but they had few ties outside their own community. Religious lines became residence lines; except for spe­cific commercial or political purposes, little intermingling took place. A sense of com­mon political identity was entirely lacking. In addition to religious ties, loyalties were tied primarily to family; then came other genealogical relations, as well as some eth­nic, regional, linguistic, and class bonds.
When nationalism reached the Middle East from Europe, it captivated Middle Easterners as much as it did other peoples. The dream of governments embodying the spirit of their people was utterly alien, to be sure, but it excited many. The difficulty in the Middle East, as in most places, was exactly how to apply the national ideal. Where would the boundaries be placed? Did the Maronite Christians constitute a nation of their own? Did the Christians of the Levant? The Syrians? The Arabs? The Mus­lims? In the early years of this century, theorists took each of these peoples as the basis for grandiose plans for their favorite nation.
But not a single writer imagined a Pales­tinian nation, and for good reason. Palestine had always been, and at that time remained, a Jewish and Christian concept, utterly for­eign to the Muslims. Eretz Yisrael and Terra Sancta have no analogue in Islam. Muslims look to the Hijaz, not Palestine, for their most sacred landmarks. Further, there has never been an independent state in Palestine ruled by Muslims; such states that were brought into existence were ruled either by Jews or Christians.
Muslim distaste for the very notion of Palestine was confirmed in April 1920, when the British authorities carved out a Palestinian entity. The Muslims' response was one of extreme suspicion. They saw the delineation of this territory as a victory for the Zionists; in their more paranoid moments, they even thought it reflected linger­ing Crusader impulses among the British. The Zionists, by contrast, rejoiced at the formal defining of a Palestine, correctly seeing it as a major step on the road to Theodor Herzl's Judenstaat. (In other words, the term "Palestine," which today symbolizes the Arab rejection of Israel, served the Jews not long ago as the symbol of Jewish nationalism.)
This point cannot be overemphasized. Palestine was brought into existence by Brit­ish imperial authorities, not by Arabs; fur­ther, Muslims felt defeated by the British carving out of a distinct Palestinian entity. I know of no Palestinian endorsing this act when it took place in 1920. To the contrary, every recorded opinion suggests intense opposition.
What, then, was the objective of the Arabs living between the Jordan and the Mediterranean? What political unit did they endorse? To the extent that there was any proto-national unit to the east of the Mediter­ranean Sea, it was not called Palestine but Sham, the historic region of Syria which included the modern states of Syria, Lebanon, Israel, and Jordan. This choice reflected a basic fact about the Levant, now often forgotten: Sham, usually translated as "Greater Syria," was a truly age-old ecolo­gical and cultural (but not political) unit.
Like Egypt, Arabia, Yemen, and the other large traditional units of the Middle East, it had geographic boundaries and ecological characteristics which made it distinct from adjoining areas. It constituted the western part of the Fertile Crescent, a dry region that supports life when—and only when—tended with great care. Residents of this area share a physical typology and an extended family structure. They speak Arabic with a distinctive lilt and prepare foods in a similar fashion. Just after World War I, a meeting of Arabs called for a united Syria on the basis that "the people speak Arabic; they are intermarried and have many links of kin­ship; and commerce has for ages moved freely between them."
Even so, Pan-Syrian sentiment was ex­tremely weak before World War I; Greater Syria was, after all, only a proto-nationalist unit. Europeans and Westernized Syrians often remarked on the absence of national solidarity. Testimony on this subject is unan­imous. The well-informed author of a Brit­ish travel guide to Greater Syria noted in the mid-nineteenth century that "patriotism is unknown. There is not a man in the country, whether Turk or Arab, Mohammedan or Christian, who would give a para [penny] to save the empire from ruin; that is, if he be not in government pay ... The patriotism of the Syrian is confined to the four walls of his own house; anything beyond them does not concern him." Gertrude Bell, a knowl­edgeable British observer, wrote in 1907 that "Syria is merely a geographical term corre­sponding to no national sentiment in the breasts of the inhabitants." K.T. Khaïrallah noted in 1912 that "Syrian society did not exist in the past. There was nothing but distinct and often hostile groups....Society was based on a despotism of brutal force modeled on that of the ruler."
By the end of World War I in November 1918, however, the notion of a Syrian nation had made considerable headway among the Arabs of Palestine. They agreed almost unanimously on the existence of a Syrian nation. With few exceptions, they identified with the Syrian Arab government in Damascus, headed by Prince Faysal, a member of the Hashemite family. Palestinian enthusiasm for Pan-Syrian unity steadily increased through mid-1920.
There is ample evidence for this enthusi­asm. Three major Palestinian organizations propounded Pan-Syrian ideas in the imme­diate aftermath of World War I: the Arab Club, the Literary Club, and the Muslim-Christian Association. (Note that none of these names makes any mention of Palestine.) The first two groups went furthest, calling outright for unity with Syria under Faysal. Even the Muslim-Christian Associa­tion, an organization of traditional leaders — men who would expect to rule if Palestine became independent — demanded incor­poration in Greater Syria.
The Muslim-Christian Association held a congress in January-February 1919 to draw up demands to submit to the Paris Peace Conference. Representatives of fourteen Palestinian cities and towns presented a peti­tion calling for Southern Syria to be "insep­arable from the independent Arab Syrian government." The congress declared Pal­estine "nothing but part of Arab Syria and it has never been separated from it at any stage." The delegates saw Palestine tied to Syria by "national, religious, linguistic, moral, economic, and geographic bonds." On the basis of this view, they called for a Palestine that would remain "undetached from the independent Arab Syrian Government."
Musa Kazim al-Husayni, head of the Jerusalem Town Council (in effect, mayor) told a Zionist interlocutor in October 1919: "We demand no separation from Syria." According to Ahmad ash-Shuqayri (the man who headed the PLO in the 1960s), the ubiquitous slogan of 1918-19 was "Unity, Unity, From the Taurus [Mountains] to Rafah [in Gaza], Unity, Unity." The same appeal echoed from all corners. A singer in Ramla encouraged her "enraptured listeners" to join Faysal's forces. From San Salvador, of all places, a protest in March 1919 went out from the "Syrian Palestin­ians" to international leaders calling for "no separation between Syria and Palestine" and expressing hope that "Syria and Pal­estine remain united." The Salvadorans de­clared: "We trust that if Syria and Palestine remain united, we will never be enslaved by the Jewish yoke."
A congress of Palestinians met in Damascus in February 1920 and strongly advocated Pan-Syrian unity. One speaker suggested that Palestine stood in the same relationship to Syria as Alsace-Lorraine did to France. According to a contemporary newspaper report,
'Izzat Darwaza spoke about Palestine and [the need for] Syrian unity, then he submit­ted a statement for general opinion. No one disagreed with him. The discussion pro­ceeded further on this matter; some partici­pants wanted not to mention Palestine but to use the expression Greater Syria for all the regions of Syria, and they were applauded.
The Congress passed four resolutions. The first of them noted that "it never oc­curred to the peoples of Northern and Coast­al Syria that Southern Syria (or Palestine) is anything but a part of Syria." The second called for an economic boycott of the Zion­ists in "all three parts of Syria" (meaning the whole of Greater Syria). The third and fourth resolutions called for Palestine "not to be divided from Syria" and for "the independence of Syria within its natural borders."
The crowning of Faysal as King of Syria in March 1920 elicited strong Pan-Syrian reactions among the Arabs of Palestine. The British military governor of Palestine re­ceived a petition (bearing Amin al­-Husayni's signature) that demanded the eradication of borders with Syria and the inclusion of Palestine in a Syrian union. Musa Kazim al-Husayni broke his promise not to engage in politics and spoke from the municipality building's balcony in praise of Faysal. 'Arif al-'Arif led a mass demonstra­tion in Jerusalem in which the participants carried pictures of Faysal and called for unity with Syria.
Then, in April, came the sobering news from San Remo that the British and French governments had decided to separate Pal­estine from Syria and to keep both territories under their control. This precipitated pro­tests from all parts of Palestine. New calls went out for the independence of a united Syria stretching from Turkey to the Sinai.
These and many other indications point to two indisputable facts: until July 1920, the Palestinian goal was to join in a union with Syria, while the aspiration of an independent Palestinian state barely existed. Matters changed quickly in the next few months, however. 
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Late 1920: The Rise of Palestinian Nationalism
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The French conquered Damascus and scuttled the Arab kingdom ruled over by Faysal in July 1920. One result was that Syrians came to devote almost all their atten­tion to the issue of French rule, leaving very little time or concern for Palestine. Another was that, for Palestinians, the attractiveness of a Syrian connection faded away. Why be joined to Damascus, the Palestinians felt, if this meant rule by Paris? Palestinian leaders came to recognize that they were on their own against the British and the Zionists. From that point on, they sought to establish an autonomous Arab government in Pal­estine which would be ruled by themselves, not by politicians in Damascus. Herein lay the origins of Palestinian nationalism.
This reorientation was made formal by the Third Palestinian Congress, meeting in December 1920. Delegates at the Congress decided to drop the appellation Southern Syria and to stop demanding the joining of Palestine with Syria. At this moment, Pal­estine became acceptable to the Muslims; and it would not be long before they would actually find it appealing.
Subsequent meetings confirmed this new identity. When the Syrian Congress (the main exile organization dedicated to build­ing Greater Syria) met in August 1921, Pal­estinians would no longer endorse the unity of Greater Syria. They even compelled the organization to rename itself The Syro-­Palestinian Congress and to issue a state­ment calling for the "independence of Syria and of Palestine." A year later, Palestin­ians withdrew from this Congress.
This rapid switch suggests that, despite the apparent solidity of Palestinian interest in union with Syria, the sentiment was al­ways precarious. In large part, this has to do with the two sides, Syrian and Palestinian, having had different expectations. Prince Faysal, who, along with many Syrians in 1918-20, saw the Zionists as a less pressing danger than the Maronites of Lebanon, was willing to work with the Jews if they could help him achieve his Greater Syrian goal. In January 1919, for example, he reached an agreement with the Zionists. In return for Faysal's promise "to encourage and stimu­late immigration of Jews into Palestine on a large scale," he won Zionist backing for his campaign against the French. (But this agreement was contingent on Britain keep­ing France out of Syria; and since this was not done, the accord did not take effect.) Soon after, in a letter to Felix Frankfurter, Faysal noted that "there is room in Syria for both of us."
Palestinian leaders, in contrast, saw Zion­ists as the pre-eminent problem. In their eyes, Faysal's standing depended almost ex­clusively on his ability to help them against the Zionists. In late 1918, the Palestinians considered Faysal (in the words of a French diplomat) the only Arab leader "capable of resisting the Jewish flood" into Palestine. Faysal's subsequent willingness to deal with the Zionists diminished Palestinian backing for him.
This divergence in outlook created ten­sions between Syrian and Palestinian leaders from the moment World War I ended in November 1918. Signs of disaffection were apparent within three months of Faysal's arrival in Damascus, and they grew with time. Already in early 1919, the Muslim-Christian Association resolved that Pal­estine "should be part of Southern Syria, provided the latter is not under foreign con­trol." The Association's Jerusalem branch went farther, calling for an independent gov­ernment in Palestine to be only "politically associated" with Syria. It authorized Faysal "to represent Palestine and defend it at the Paris Conference," on the understanding that Palestine would enjoy full autonomy within a Syrian union. And while 'Arif Pasha ad-Dajjani, president of the Muslim-Christian Association, insisted that "Pal­estine or Southern Syria — an integral part of the one and indivisible Syria — must not in any case or for any pretext be de­tached," he also had doubts about rule from Damascus.
To be fair, it must be recorded that argu­ments against connections to Damascus ap­peared in the press as early as 1919. The Arab Club was the first nationalist institu­tion to abandon Faysal's leadership. Despite its name, the newspaper Suriya al-Janubiya ("Southern Syria") led the campaign away from Pan-Syrianism, arguing that Syrians had become too absorbed in their conflict with France to pay enough attention to the Zionist challenge. In January 1920, when Faysal returned empty-handed from his sec­ond trip to Europe, some top Palestinians began to see him as not essential to their cause, an impression reinforced by the lack of Syrian response to the Jerusalem riots of April 1920.
But these strains had only limited impor­tance. Syrian and Palestinian leaders effec­tively minimized their differences until July 1920, for both had an interest in Prince Faysal's success.
What accounts for the extremely rapid collapse of Pan-Syrian sentiment in Pal­estine? Yehoshua Porath, the leading histo­rian of Palestinian nationalism, argues in his 1974 book The Emergence of the Palestinian-Arab National Movement, 1918-1929 that Palestinians supported Pan-­Syrianism only as long as it served them but abandoned it when it no longer had utility. In contrast to Syrians, who tended to see Pan­-Syrianism as an end in itself, he says, Pales­tinians saw it as a means, a weapon in the battle against Zionism; it was weak because it only served ulterior purposes. Being treat­ed as part of Syria had three advantages in the years 1918-20. A joint Anglo-French declaration of November 1918 promised "to encourage and assist the establishment of native governments and administrations in Syria and Mesopotamia" — not Palestine. This declaration made it desirable for Pal­estine to be seen as part of Syria. Also, associating with the larger Muslim popula­tion of Greater Syria offered a way to over­whelm the Jewish immigrants demographi­cally. And alliance with Faysal gave Pales­tinians a relatively powerful protector.
According to Porath, the French conquest of Damascus caused these advantages to disappear:
Disappointment over the moderation of the Syrians toward Zionism cooled the Pal­estinians' enthusiasm for the idea of Pan-Syrian unity.... The orientation towards Damascus was based less on the growth of nationalism around this area [i.e., Greater Syria] than upon a given political situation. When this situation changed, the foundations of the Pan-Syrian movement collapsed.
All these points are correct, but not the implication that Pan-Syrian nationalism was merely a tactic while Palestinian national­ism appealed to deep sentiments. The re­verse is closer to the truth. Existing sentiments fitted better within Greater Syria than Palestine. Palestinians abandoned Pan-­Syrianism and replaced it with Palestinian separatism for tactical reasons, not out of heartfelt sentiment. Porath himself quotes one Palestinian leader who openly admitted this. Only days after the fall of Faysal's government, Musa Kazim al-Husayni de­clared, "after the recent events in Damascus, we have to effect a complete change in our plans here. Southern Syria no longer exists. We must defend Palestine." Kamil ad-Dajjani explained many years after the event that "the collapse of Faysal's rule in Syria and the disappointment of the hopes which were pinned upon that rule, made Palestinians feel that the orientation toward a Greater Syria bore no fruit." Palestinian nationalism originated not in spontaneous feelings but in calculated poli­tics, and a long time passed before the emotional appeal of this premeditated and novel allegiance matched that of Pan-Syrian nationalism.
In short, the Palestine concept served better than that of Greater Syria. It allowed the Arab leaders of Palestine to speak the same political language as the Zionists and the British. Rather than refer to some out­side source of authority, they could claim sovereignty for themselves. In the process, they evolved from provincial notables into independent actors. Thus, tactical consid­erations caused the rapid rise of Palestinian nationalism.
Ultimately, Palestinian nationalism origi­nated in Zionism; were it not for the exis­tence of another people who saw British Palestine as their national home, the Arabs would have continued to view this area as a province of Greater Syria. Zionism turned Palestine into something worthy in itself; if not for the Jewish aspirations, Sunni Arab attitudes toward Palestine would no doubt have resembled those toward the territory of Transjordan — an indifference only slowly eroded by many years of governmental effort. Palestinian nationalism promised the most direct way to deal with the challenge presented by Zionist settlers — a challenge never directly felt on the East Bank.
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Amin al-Husayni
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The career of Al-Hajj Muhammad Amin al-Husayni (1895-1974), the long-time mufti of Jerusalem, dramatizes the switch from Pan-Syrianism to Palestinian nationalism.
Husayni began as a partisan of Greater Syria. He wrote sentimentally about ties between Syrians and Palestinians during World War I. When the Hashemites launched the Arab revolt, breaking the Otto­man Empire's four centuries' control over the Levant, Husayni saw this as a more effective way to block the Zionists. As Philip Mattar, a biographer of the mufti, writes: "Since it appeared futile for the Arabs to oppose British rule, Amin believed the only practical approach was to attempt to change the British Balfour policy by organizing mass support for reuniting Syria and Palestine, which would then work to­gether against Zionism."
Husayni therefore deserted the Ottoman army and joined the Hashemites. He then became a leading agent of the Hashemites (an ironic development in light of his later mortal enmity with this family), recruiting about 2,000 military volunteers in 1918 and working actively on Faysal's behalf in 1919. At the Palestinian congress in January-February 1919, Husayni called for unity between Palestine and Syria. A British dip­lomatic report noted that Husayni's activities were directed "in favor of union with Sharifian [i.e., Faysal's] Syria."
Husayni served as president of the Arab Club, which was especially eager for union with Syria. Toward the end of 1919, this group tent a letter to the British military governor of Jerusalem declaring that "Southern Syria forms a part of the United Syria beginning from Taures [and extending to] Rafa, the separation of which we do not tolerate under any circumstances, and we are as well pre­pared to sacrifice ourselves towards its de­fense with all our power."
Returning from Damascus on April 1, 1920, Husayni introduced a new element into an already tense atmosphere in Pal­estine by reporting (wrongly) that the Brit­ish government would be willing to recognize Faysal as ruler of Palestine as well as Syria. This report raised Pan-Syrian ex­pectations to a fever pitch. Then came the Nabi Musa riots in Jerusalem on April 4, when Arab mobs attacked Jews; according to Horace B. Samuel (and the British police report corroborates his account), these dis­turbances were initiated by two young men who shouted "Long live our King — King Feisul." Taysir Jbara, a historian, believes that Amin al-Husayni was one of these two. The police sought Husayni, but he fled to Damascus, where he again worked to spread the influence of King Faysal. Al­though a Palestine court had sentenced Hu­sayni in absentia to ten years in jail, the High Commissioner of Palestine, Sir Her­bert Samuel, pardoned him less than five months after the Jerusalem disturbances had occurred. This permitted Husayni to make his way back to Palestine after the fall of Damascus.
Faysal's defeat caused Husayni, like the other leaders, to change ideologies without missing a beat, turning into an un­bending Palestinian nationalist. He became mufti of Jerusalem in 1921, president of the Supreme Muslim Council in 1922, and pres­ident of the Arab Higher Committee in 1936. Each of these positions gave him new power; by the mid-1930s he had become the out­standing political leader of the Palestinians, the symbol and the bulwark of Palestinian nationalism. 
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Conclusion
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Four major events occurred in 1920. In March, Faysal was crowned king of Syria, raising expectations that Palestine would join his independent state. In April, the British put Palestine on the map, dashing those hopes. In July, French forces captured Damascus, ending the Palestinian tie with Syria. And in December, responding to these events, the Palestinian leadership adopted the goal of an independent Palestin­ian state.
Having thus originated out of political calculus, not spontaneous feelings, Pales­tinian nationalism had to wait for many years to pass before it acquired real force. Still, what Palestinian nationalism lacked by way of natural origin, it soon made up for with passionate identification. How did a premeditated and novel allegiance come to exert so strong an emotional appeal? The logic of need caused Palestinian nationalism to flourish, and it became a popular cause.
So thoroughly has it come to dominate the current scene that its recent and util­itarian origins have been forgotten by all but a handful of scholars. To make matters worse, an informal campaign seems to be underway to suppress the fact that Pan-Syrianism predominated for two critical years. A number of solidly researched aca­demic books of recent years wave this whole phenomenon aside in an effort retro­actively to enhance the stature of the Pales­tinian nationalism of those years.
This rewriting of history serves to empha­size the abiding importance of 1920. A re­view of the events of that year points, first, to the fact that Palestinian nationalism is just one variant of anti-Zionism; in turn, others are always nipping at its own heels. Yasir 'Arafat and his followers can never rest easy, for they always have to contend with not only their Israeli enemy but also their Arab rivals. (Many of them are still based in Damascus.)
Second, 1920 demonstrates the extreme fickleness of the Arabs' nationalist loyalties. Only superficially grounded in nationalist sentiments, they found it easy to bounce from one formulation to another. Palestinian leaders supported the Greater Syria goal so long as it served their purposes; then, after the French capture of Damascus changed the premises, the leadership seamlessly adopted a new approach. During the 1950s, when Gamal Abdel Nasser and Arab nationalism were flying high, many of the Palestinian leaders moved into his camp. This could happen again. Were circum­stances to call for another switch, say, to federation with Jordan, many of those Pales­tinians who now fervently espouse an inde­pendent Palestinian state might take up this new aspiration.
While it is true that the flexibility of 1920 occurred at a moment of special fluidity, and positions have hardened since that date, the Middle East remains the world's most politi­cally volatile area. Major realignments take place almost predictably, about once a dec­ade. Given that today's constellation of forces is unlikely to last into the distant future and that an independent Palestinian state does seem forthcoming, the primacy of Palestinian nationalism could eventually come to an end, perhaps as quickly as it got started.